C’est le petit appartement d’un vague cousin à Buenos Aires dont vient d’hériter un homme : peut-être le vrai Marcial Di Fonzo Bo, peut-être un autre homme portant presque le même nom, sans doute un peu les deux. On ne sait pas, lui non plus, il cherche et on enquête avec lui. On fouille la mémoire embrouillée des dictatures du XXe siècle, de leurs fantômes et de leurs disparus…
Hanté par le mythe de Médée, Heiner Müller, figure majeure du théâtre du XXe siècle, compose ce poème à trois titres en 1983. Trois courtes pièces fragmentaires en bataille avec l’Histoire et les mondes d’alors. Son ami, compagnon d’art et de luttes, Matthias Langhoff, était présent à leur création en Allemagne (encore de l’Est). Quelques années plus tard, Langhoff reprend l’ouvrage, avec les acteur·ice·s Marcial Di Fonzo Bo et Frédérique Loliée, et bâtit une nouvelle version de ce monument théâtral dont la tourmente reste affreusement d’actualité.
Depuis 2011, Bashar Murkus, auteur et metteur en scène, et Khulood Basel, dramaturge et productrice, travaillent ensemble au sein du Khashabi Theatre / Palestine, qu’ils ont créé dans le quartier palestinien de Haïfa. On avait pu voir leur grande pièce chorale, Milk, aux 13 vents. Il s’agit cette fois d’une forme plus intime, où se croisent deux personnages : un vieil homme qui n’a trouvé personne pour venir parler avec lui ce soir-là, à l’exception d’un jeune homme qui se livre habituellement à des activités sexuelles pour de l’argent. Il n’y aura pas de sexe, mais une conversation dont chacun semble avoir besoin.
La Méditerranée, c’est tout proche et plein de gens s’y noient, encore hier. Parfois on se demande pourquoi on en parle moins, comme si on avait pris l’habitude et qu’on avait un peu honte. Peut-être justement parce que c’est tout proche. Les Italiens de Kepler-452, Nicola Borghesi et Enrico Baraldi, ont passé quelques semaines en juillet 2024 sur le bateau Sea-Watch 5, avec les « humanitaires » qui y travaillent et les « migrants » sauvés pour cette fois.
En 2024, Argyro Chioti a créé en Grèce, et en grec, une pièce intitulée Îlot de Fraîcheur. Elle y revient ici dans le cadre d’un stage professionnel avec une quinzaine d’interprètes français et nous en propose une version renouvelée qui naîtra sur place, à l’issue de deux semaines de travail.
Il y a presque toujours une catastrophe qui plane dans les histoires et les chansons de grands amoureux, c’est sans doute ce qu’on aime. Au moins chez les autres. Parlant d’amour avec cette grave légèreté dont ils et elles ont le secret, entre cabaret burlesque et agit-prop, Céline Champinot et ses acteur·ice·s, nous font chanter, parfois même à la façon dont menacent les maîtres-chanteurs : tu payes ou tu trinques.
Longtemps on ne savait pas si la pièce était bien de lui, ni même si elle avait été créée, en tous cas jamais hors d’Angleterre. Oui, non, peut-être. Depuis peu, elle entre officiellement dans le corpus des œuvres complètes. C’est en quelque sorte à la première création française d’un inédit de William Shakespeare que nous sommes conviés, avec cet Édouard III dont la troupe de Cédric Gourmelon s’empare.
Pour Cédric Gourmelon, la poésie sauvage, les textes et chansons, la rage aussi de Léo Ferré sont toujours un peu là, dans la tête, dans le corps et les engagements, pas loin. Comme un voisinage amical et vibrant, un refuge parfois, une sorte d’histoire d’amour qui dure. Depuis vingt ans, il fait régulièrement des performances et des spectacles, seul en scène, et partage cette passion avec le public.
Après Les Palmiers sauvages, c’est la seconde fois que Séverine Chavrier adapte et déborde l’un des romans fleuve de William Faulkner, à la mélancolie farouche. Absalon, Absalon ! retrace l’histoire quasi biblique, racontée par plusieurs voix, d’un self-made man qui, partant d’une pièce d’or trouvée, se rêve une dynastie glorieuse, mais échoue. On y croise sur deux générations une galerie de figures de l’Amérique profonde et sudiste, quelques vainqueurs et beaucoup d’abîmés.
Occupations est la dernière création de Séverine Chavrier. La pièce s’appuie sur un vaste corpus de textes d’autrices, de Marguerite Duras à Annie Ernaux, en passant par Elfriede Jelinek et Constance Debré. On y retrouve son vocabulaire scénique, son rapport aux textes et aux voix intenses qui cherchent et digressent, tendues dans un dispositif dont elle a le secret qui met en miroir visible et caché, savoirs anciens et contemporains, livresques et numériques…
Dans le roman de Michel Vinaver, Julien Bême est un militaire dans le rang qui fait un pas de côté et pose son arme, c’est L’Objecteur. Le Pas de Bême revient sur ce « pas de côté » et en déplie les sens. Bême est ici un adolescent pour qui tout semble aller bien, bon élève, sans difficulté particulière, qui décide un jour de rendre « copie blanche » à tous ses examens scolaires. Ce geste incompréhensible plonge ses proches, sa famille, et nous, dans un dédale de perplexité à mille entrées.
On est ensemble au moment partagé de la représentation, un peu chacun le sien, et en même temps dans l’époque, avec ce qui se passe, le bruit et ses médias. Le temps — celui qui passe, celui qu’on perd, celui qu’il reste — devient ici une matière à jouer, interroger, expérimenter… Une sorte d’intrigue en soi, d’enquête, où passé, présent, futur se croisent et s’emmêlent le plus simplement du monde, dans une légèreté un peu inquiète et un peu folle.
Une femme attend l’homme qu’elle aime, il vient, mais très vite elle ne le voit plus, pourtant il est là. Plus tard l’homme est avec une jeune fille, mais ils restent au seuil, comme s’ils avaient peur de quelque chose. Ils entrent mais ne voient pas la femme, pourtant elle est là et elle attend encore. On ne sait pas s’ils s’imaginent ou bien s’ils se souviennent, on est pris dans un flottement délicat entre présence et absence, entre « c’est écrit » et « ça s’écrit ».
Elsa Agnès nous convie dans les turbulences d’un musée imaginaire, à Venise. Trois personnages s’y inventent ensemble et s’échappent dans la fréquentation des œuvres, particulièrement celles de la Renaissance italienne. Trois solitaires un peu voyous et un peu fous, au passé sombre, comme à l’arrêt. L’une puise dans les toiles ses fantasmes amoureux, l’autre l’oubli d’un geste irréparable, le troisième la possibilité d’une île à eux, loin d’ici.
Quelqu’un a disparu, on ne sait pas qui, quelqu’un est mort. Entre réalité et fiction, Pieuvre déploie à partir d’un fait personnel une enquête tentaculaire au sein d’un dispositif intimiste, le public étant amené à déambuler à travers plusieurs espaces du plateau.
Il s’agit d’aller voir en toute curiosité la vie en commun des citoyens athéniens au Ve siècle avant J.C. et d’en faire théâtre, sans folklore particulier ; d’en jouer aujourd’hui avec gourmandise et un grain de folie, dans une période pré-électorale comme presque tout le temps ; de se demander où nous en sommes au fond avec la démocratie — directe ou indirecte — et avec l’idée qu’on s’en fait les un·e·s les autres, qu’on la déteste ou la veuille autrement, quelque part entre toges, gilets jaunes et costumes cravates.
et aussi
date et horaire à venir, Répétition ouverte + rencontre-apéro avec Lara Marcou et Marc Vittecoq
pour toutes et tous
du 1er au 12 juin, Stage « Couture / mode — Techniques de base de confection »
et encore
dates à venir, Les Gaulois de Marion Aubert
mise en scène et jeu : Thomas Blanchard et Olivier Martin-Salvan
une coproduction du Théâtre des 13 vents