Je joue seul Le Tartuffe de Molière, ses alexandrins. Seul, on perd les rapports d’un acteur à l’autre, mais on gagne en précision rythmique. Portées par un seul corps, les ruptures, les montées en pression, le souffle, éclairent le sens et la situation parce qu’on est dans l’énergie de l’écriture, qui est une énergie démultipliée par les rôles, démesurée, déclamatoire et forcément pas psychologique. Je joue la majeure partie de la pièce les yeux fermés, ce qui me permet d’imaginer les autres rôles et de jouer les dialogues. C’est un principe d’exposition de la parole. Les noms des personnages sont écrits au sol, comme une sorte de grande marelle. Une table. Un plein feu. Et c’est tout. J’essaie de ne pas trop en dire, de proposer quelque chose d’à la fois très précis, mais pas fini. L’idée, c’est de se mettre à zéro, au minimum de tout, et de convoquer des conduites de jeu, des phrases, des émotions, pour faire monter une espèce de transe dans laquelle apparaîtra Le Tartuffe de Molière. Je n’ouvre les yeux que pour jouer Tartuffe.
Groupe Fantômas
Les spectacles de Groupe Fantômas tendent à être des phénomènes plutôt que des objets, des tempêtes tropicales plutôt que des installations plastiques. La transe ne se justifie jamais. Elle se convoque. C’est une recherche de chaos, il faut donc être extrêmement précis sur ce que l’on veut dompter et ce que l’on cherche à provoquer, sinon c’est n’importe quoi. La transe n’est pas forcément démonstrative, l’hypnose en est une, et c’est plutôt doux. La transe permet de faire apparaître plus que ce qui est là, matériellement. Les pièces de Groupe Fantômas sont handicapées : elles ne se suffisent pas à elles-mêmes, elles se révèlent dans l’imaginaire des spectateurs, dans une communion éprouvante, pas mièvre, pas humaniste, drôle.
texte : Molière
conception et jeu : Guillaume Bailliart
accompagné par : Vivianne Balsiger
lumières : Jean Martin Fallas
production : Groupe Fantômas
avec le soutien de : Théâtre de la Cité internationale ; Théâtre de l’Élysée (Lyon) ; Théâtre Théo Argence ; Ramdam (Ste-Foy-lès-Lyon)