Othello, variation pour trois acteurs

C’est une pièce très étrange. La vieille école la présente régulièrement comme le drame de la jalousie, comme s’il s’agissait d’une pathologie personnelle d’Othello, son pousse-au-crime. Mais dans la pièce, la jalousie est générale, c’est pratiquement une règle de conduite. Et que font les jaloux ? Ils spéculent, ils spéculent, ils spéculent. Ils guettent des signes, à partir de quoi ils accordent ou refusent du crédit à ce qu’on leur raconte. Le génie de Shakespeare est d’avoir fait une pièce sur Venise, symbole d’un nouveau fonctionnement politique, celui d’une République de marchands, qui invente le crédit et le ghetto, combine un impérialisme militaire classique avec un art nouveau de gouverner par l’opinion, le tout en partant d’une histoire de cocu imaginaire : Othello, l’Arabe de Venise… Quant à notre variation, elle est ce qu’entendent les musiciens par ce mot : le thème de la pièce de Shakespeare est repris, mais les modifications qui l’entourent (mélodiques, rythmiques, harmoniques) lui arrachent un autre son.

Se mettre à l’étude (ou à l’épreuve) de l’Othello de Shakespeare, c’était chercher la bonne distance pour arracher à la tradition des braises pas forcément actuelles, mais actives.

Nathalie Garraud, Olivier Saccomano

Ce qu’on fait, c’est un travail de troupe, au sens où des gens, armés des pratiques qui sont les leurs, pensent, dialoguent, travaillent ensemble au rythme de cycles de création s’étendant sur plusieurs années. Ces cycles partent d’un motif qui insiste dans nos existences, que nous percevons obscurément au fil des transformations historiques, comme une chose embarrassante dont nous ne savons pas quoi faire. Comme le Graal dans les romans de chevalerie : personne ne sait vraiment ce que c’est, sinon qu’il promet une aventure, et sûrement quelques épreuves. Alors on se met en route, ensemble mais chacun dans son champ (mise en scène, écriture, jeu, lumière, scéno…). On n’écarte pas la contradiction. Souvent, nos accords sont faits de désaccords. C’est une sorte de lutte. Entre l’idée et la matière. Et de cette lutte naissent des formes, qui jalonnent le chemin. Avant la prochaine bifurcation. Il n’empêche, ça creuse un sillon. Ça fait sortir de nouveaux poèmes, de nouvelles relations entre les acteurs et le public, entre un mot et un geste, un temps et un espace. C’est là que le théâtre peut inventer. Quand il parvient à créer entre ces éléments d’autres types de relations que celles qui règlent le scénario de l’obéissance quotidienne, alors des transformations s’opèrent pour les gens, discrètes sûrement, mais décisives.

conception : Nathalie Garraud et Olivier Saccomano d’après William Shakespeare
mise en scène : Nathalie Garraud
texte : Olivier Saccomano
jeu : Mitsou Doudeau, Cédric Michel, Conchita Paz ou Charly Totterwitz
scénographie : Jeff Garraud
costumes : Sarah Leterrier, assistée de Sabrina Noiraux
lumières : Guillaume Tesson
assistanat à la mise en scène : Florian Onnein
le texte de la pièce est publié aux éditions Les Solitaires Intempestifs

production déléguée : Théâtre des 13 vents CDN Montpellier
coproduction : le Théâtre du Beauvaisis – Scène nationale, le Safran – Scène conventionnée d’Amiens