L’étrange voyage, par libre association entre fragments de textes, fragments d’espaces, fragments de situations, est une constante des pièces de François Tanguy et du Théâtre du Radeau. Celle-ci, Item, navigue entre deux massifs : les méditations de Robert Walser sur l’héroïsme, celles de Dostoïevski sur l’idiotie, naissant d’observations précises ou d’hypothèses imaginaires. Au milieu, les acteurs à postiches trimbalent leurs planches et leurs mystères, dressent des scènes de mythologie comique, se tiennent à l’heure — à l’aube — de la pensée.
François Tanguy
Autour de 1958 — Jeté à terre avec trois frères. Vitry-sur-Seine — collège technique rue Pierre Sémart en face la gare. Onze ans d’enfance, derrière les préfabriqués, derrière les ateliers, derrière les herbes du terrain vague dépassant les cheveux rase motte. Limailles, pièces désachevées de soudure, menuiserie, cageots, palettes. Chants kabyles du foyer d’immigrés derrière le mur. Dédé et Jeannette s’occupent (logement de fonction) des à-la-va-comme-c’est-possible de la livraison pyrogénée entre les horaires de métier (sur-gé, assistante sociale) et les deshoraires des contributions militantes et variées — les raccourcis, hors l’école, roue libre à tordre, ramasser, rafistoler les rebuts des ateliers. Coopérative et recyclages à la sauvage.
1969 — Déplacement à Caen. Lycée technique pour la fonction, lycée commun pour les générés. Apprentissage de l’adolescence — des amitiés noueuses. Un entrepneu de communisme.
1982 — Élargissement des affinités électives — Laurence — les camarades. Début d’application méthodique des principes de terrain vague — ou si l’on veut, rélaboration des études funiculaires du primate aux prismes.
1989 — Fric frac du lieu — dit La Fonderie — accord tacite — maison du peuple tout à la main. Règles :
• Op. 1 : éteindre la lumière afin d’accroître la surprise de ne pas l’avoir fait exprès.
• Op. 2 : le faire exprès selon qu’on y voit mieux au cas où il ne s’y passe rien.
• Op. 3 : ajuster les facultés du fatras à trier-étriller les sens jusqu’au splendide ratage. Persévérément poursuivi et possiblement l’occasion de nettoyer la vue, l’ouïe, l’empreinte, l’odorat et la joie du fretin — tournées internationales.
• Op.4 : quoi t’est-ce — cirer ou pas cirer les godasses. Ventuellement costumes d’époque, dérivations sonores, remembrances d’espace, assemblages divers et d’été fussent corps, vocables, danses d’hommage aux mémorants à venir.
• Op.5 alors là oui joie modeste et noble, de lieux en lieux et d’âges en âges agir, percutés de guerre, perclus des salissures — dégueulassant l’espèce à fonds perdus si rien n’y sert à force, des dépossessions d’être en stupeur de virus, car ça là va et vient d’avoir forme de vies, dessous la croupe céleste perforée d’illusions ruineuses ; ce pourtant, songe ou pas, paumes offertes et poings serrés, n’en pas balancer le sens qui est tout de même le foin de l’âne.
On en était là approximativement, plus ou moins tassé, le 15 avril 2020. Prenons soin de tout un chacun. Vous pigez sinon revenons lundi.
François Tanguy
mise en scène, scénographie : François Tanguy
avec : Frode Bjørnstad, Laurence Chable, Martine Dupé, Erik Gerken, Vincent Joly
élaboration sonore : Éric Goudard et François Tanguy
lumières : François Fauvel, Julienne Rochereau, François Tanguy
coproduction : Théâtre du Radeau (Le Mans) ; MC2 (Grenoble) ; T2G -Théâtre de Gennevilliers, Festival d’Automne à Paris ; TNS — Théâtre National de Strasbourg ; Centre Dramatique National de Besançon Franche-Comté ; Les Quinconces — L’espal, Scène nationale du Mans
avec le soutien de : théâtre Garonne (Toulouse)