Huit heures ne font pas un jour

Ça pourrait commencer comme ça : « C’est l’heure où dans la ville, je siffle mon verre, je jette mon mégot, je m’endors plein d’inquiétude ». C’est dans le Manuel pour habitants des villes de Bertolt Brecht. Premier film de Fassbinder en 1966 : Le Clochard, court-métrage noir et blanc, une dérive dans la ville avec révolver et tentation de s’en servir contre soi-même. La ville, le roman de la ville, c’est aussi ce qui nous fracasse dans Berlin Alexanderplatz que Fassbinder a tourné dans ses dernières années d’après l’ouvrage d’Alfred Döblin. Mais le livre de Döblin, écrit en 1929, Fassbinder l’avait en poche déjà à 21 ans, à l’époque du Clochard. Il dit qu’il s’y est profondément identifié : « J’ai fait de l’imaginaire de Döblin ma propre vie, le roman m’aura aidé à surmonter les crises et les angoisses, et à travailler ». Formuler l’angoisse n’est-ce pas déjà vivre autrement ? Ou bien se repasser un 45 tours dans le mange-disque et le briser ? Les poètes s’inquiètent du monde dans lequel ils vivent. Lorsqu’ils meurent, les mots sont toujours là et dans leurs questions, on entend leurs réponses intempestives à la conjoncture. Les conjonctures sont toujours là.

Evelyne Didi

Je viens d’une ville noire du charbon de ses mines, plus tard elle est redevenue blanche, dommage. « Tu ne meurs pas, tu t’endors » : mon indication de jeu préférée de Kaurismäki pour tourner la mort de Mimi dans La Vie de bohème. « Je t’aime tu sais mais la vie est difficile » : la phrase de cette Mimi qui a donné à Marthaler l’idée de me prendre dans Papperlapapp. « C’est pas grave » : une de ses expressions pendant les répétitions. « Tiens-toi droite » me répétait Bob Wilson, j’essaie encore de le faire. « Je veux voler » disait Euphorion, fils de Faust et Hélène de Troie en tapant de son pied bot sur les murs de la Salpêtrière. « Calme » disait Grüber, « les mots tombent comme des cailloux ». Lui m’a mise dans le canon pour faire le saut par-dessus les murs frontières. 3 500 spectateurs des Bacchantes m’ont huée à Thessalonique, les 14 000 à Epidaure se sont tus pour écouter.  « Le théâtre est vivant, tu vois » m’a dit Langhoff. Je fais le pont entre mes géants de théâtre, les amis du passé qui ont enjolivé infiniment ma vie d’actrice, et mes aventures d’aujourd’hui. Ça entretient ma forme.

mise en scène : Evelyne Didi
avec les acteurs de la troupe permanente de La Bulle Bleue : Matthieu Beaufort, Mélaine Blot, Axel Caillaud, Julien Colombo, Mireille Dejean, Laura Deleaz, Steve Frick, Arnaud Gélis, Sarah Lemaire, Philippe Poli, Mickaël Sicret
assistants à la mise en scène : Katia Ferreira et Clément Bertani
création lumières : Hervé Audibert

coproduction : La Bulle Bleue, ADPEP 34 ; La Grande Mêlée
avec le soutien de : Ministère de la Culture, Direction Régionale des Affaires Culturelles Occitanie ; Région Occitanie – Pyrénées Méditerranée ; Cercle des mécènes de La Bulle Bleue