dans le cadre du Laboratoire des Acteur·rices
D’une durée de 3 jours, ces ateliers sont confiés à des acteur·rices, artistes invité·es ou en résidence qui mettent en partage leur pratique de jeu.
les 8, 9 et 10 décembre (de 10h à 17h) atelier dirigé par Manuela Lo Sicco et Simone Zambelli de l’équipe d’Emma Dante
Un peuple qui danse est un peuple qui parle.
Le mouvement expressif du corps a toujours été un signe distinctif de l’homme, de son état émotionnel en relation avec l’âme du territoire dans lequel il vit et de l’histoire qu’il s’apprête à raconter. Dans le processus artistique de la compagnie Sud Costa Occidentale d’Emma Dante, le corps devient l’incipit de toutes les histoires possibles. C’est de celui-ci que tout part. Et pour qu’il puisse devenir cet instrument de création, il doit être entraîné, formé et soigné pas à pas.
Dans ce laboratoire que nous proposons conjointement, Simone Zambelli (danseur) et moi, Manuela Lo Sicco (actrice), nous guiderons les participants , au travers de ce double regard, dans l’étude des potentialités créatives liées au geste et à la danse.
Nous explorerons la profonde relation possible entre la voix et le mouvement. Nous approfondirons comment le corps peut se transformer en un puissant instrument de mise en relation et de narration à travers chaque petite variation posturale ou gestuelle.
Le training du matin nous conduira à un état jouant et entraînant. Nous alternerons des exercices de coordination et de vitesse qui évolueront du sol au saut.
Différents dispositifs de travail en groupe, en duo ou en individuel développerons le courage et la confiance en notre potentiel créatif. Un corps prêt pour la scène aussi bien qu’à la vie, où chaque geste et mouvement cache une danse souterraine qui attend juste d’être portée à la surface.
Nous utiliserons des exercices qui accompagnent depuis des années notre parcours théâtral pour développer notre relation à l’espace et au rythme. L’acteur entrera en dialogue avec des éléments extérieurs tel que le costume.
Grâce à l’exercice « de la troupe » nous créerons une écoute de groupe où chacun, dans son individualité, fera partie de l’espace qui l’entoure et initiera un récit en mouvement.
les 19, 20, 21 avril (de 10h à 17h) atelier dirigé par Céline Champinot
J’aimerais que nous interrogions ensemble ce qu’interpréter pourrait vouloir dire. Du point de vue de celui qui regarde et du point de vue de l’acteur. Que se raconte l’acteur, à quoi joue-t-il ? Que se raconte le spectateur de ce jeu ?
Nous pourrions travailler à partir de protocoles, d’exercices, d’outils neutres qui nous serviront de base pour mettre le théâtre à l’étude au sein de dispositifs performatifs sans parole ou en faisant des expériences sur des textes de théâtre.
Peut-être qu’une question souterraine qui agitera cet atelier sera : Quel rapport le théâtre entretient-il avec la fiction ?
Comment joue-t-il avec ? Les fictions sont-elles des outils pour les actrices et les acteurs ? Quelles sortes d’outils ? Peut-on s’en passer ? Les actrices et les acteurs apparaissent-ils inévitablement au plateau comme les autrices et les auteurs des fictions qu’ils interprètent ?Quel écart y-a-t-il entre la fiction narrative d’une pièce par exemple et ce que se raconte l’acteur au temps présent de la représentation ? Et comment cet écart ouvre une troisième voie pour l’imaginaire de celui qui regarde ?
Voilà pour commencer, les interrogations, pratiques et hypothèses de chacun.e viendront enrichir le travail et nous verrons ensemble où tout cela nous mène.
les 23, 24 et 25 mai (de 10h à 17h) atelier dirigé par Laurence Chable et Frode Bjørnstad de l’équipe du Radeau
Martin Wutke : “ Il m’appelle, il m’appelle ! Veux-tu donc ma perte? ”
K.M. Grüber : Ici tu peux… Tu peux déjà un peu avant, tu peux déjà un peu, sans trop exagérer, mettre un peu d’amour dans ta voix.
Martin Wutke : Plus élégant?
K.M. Grüber : Oui. Et les “ cendres ”, je ne sais pas, le ton, la respiration… Ne tombe pas dans la légèreté, mais approche-t-en. C’est aussi un petit peu, oui, légèrement menaçant. Pour elle, pour moi, et ainsi de suite. Il y a quelque chose dans la voix, quelque chose d’étrangement enjoué et amoureux…
K.M. Grüber : Oui, c’est ça, mais la main est encore trop amicale. Tu dois être plus nerveux. Aujourd’hui, on la prendrait par les cheveux.
Martin Wutke : (saisit Angela Winkler par les cheveux) “ Ecoute-moi, écoute-moi bien ”
K.M. Grüber : Pourquoi pas?
Martin Wutke : Je la prends par les cheveux, et après je la relâche?
K.M. Grüber : Non, seulement quant tu as dit… c’est comment déjà?
Angela Winkler : “ Lève-toi, ombre irritée ”
K.M. Grüber : Juste avant.
K.M. Grüber : Et plus tu as peur qu’il ne comprenne pas, plus tu deviens faible. Parce que seulement le silence attire. Contrairement à tous – à presque tous les comédiens qui cherchent à augmenter. En te retirant tu crées l’attention, pas en appuyant.
Comédienne : “ Vous qui voulez entendre cette fable nouvelle, croyez à mon avis de pauvre, pauvre femme ”
K.M. Grüber : Le cou ! Le cou ! Le visage ouvert !
Ces quelques phrases sont extraites de la thèse de Judith Bernard (Rhétorique du discours de mise en scène– Université Lyon 2- 2000). Elles y apparaissent, retranscrites par elle-même de documents audiovisuels.
Nous les recopions ici, en ouverture, juste à la volée. Non à titre de documents-maîtres, mais, juste à la volée.
Et d’ailleurs, le fait de les lire, plutôt que de les percevoir depuis leur support d’origine, c’est déjà quelque chose…
Ce qui nous questionne, au-delà du sens de ces paroles, c’est le caractère mystérieux de ce qui se passe, au moment où ces échanges ont lieu. Cet étrange commerce entre la mise en scène et le jeu.
Et lors même que nous éprouvons, mettons à l’ouvrage ces questions par l’expérimentation, nous aimerions, là, un moment, en parler.
Dans ce commerce, qu’est ce qui se perd ? qu’est-ce qui se gagne ? ce qui se perd est-il vraiment perdu ? ce qui se gagne est-il vraiment gagné ?
Qu’est-ce qui s’échange ? quelle est cette voix de la mise en scène qui nous parle ?
Issue d’un autre document, une parole d’Antoine Vitez :
« L’indication n’aboutit pas d’ailleurs à une reproduction par l’acteur. Cela m’ennuie de voir exécuter exactement ce que j’ai proposé, ce qui m’intéresse c’est de le voir transformé, de voir une réponse ».
Entre « l’indication » de la mise en scène et « l’effectuation » par le jeu, quel écart contenu dans cette « masse d’air » parlante et silencieuse tout à la fois ?
La mise en scène est bien conduite par quelque chose, on peut l’appeler une règle, et de préférence une règle liée à une sorte d’urgence, (poétique, politique) qui lui est propre.
L’acteur ne comprend pas forcément cette urgence, d’autant plus qu’il se peut que le metteur en scène lui-même ne la comprenne pas et parfois s’en fasse surprendre.
Comment s’active la pensée de l’acteur ? mais pas seulement ce qui s’appelle pensée, car, existent aussi, du vague, de la vision, de l’horizon, des strates d’intimité, des bruits de fond, des impulsions, qui viennent se poser là, s’interposent et font bifurquer la relation.
Cet « entre » est-il si mystérieux que sa description s’avère impossible ? ou bien est-il possible de se raconter des choses ? de parler de ce qui se transforme et advient, par l’acte ?Puisqu’en l’occurrence, les matières au travail, -corps, pensée, affects, sont autant disposées à la construction que vouées à toutes sortes d’échappées, de quoi cet espace, ce moment, sont-il porteurs pour les actrices et acteurs que nous sommes ?
Qu’est-ce que la notion d’intériorité ? En a-t-on besoin ? comment, de quoi, se nourrit-elle ?
Ou au contraire, se laisser occuper, par exemple lors de la lecture d’un texte, par autre chose, un point d’extériorité, … n’est-ce pas quelque chose de libérateur ?
Autre chose : des contraintes, ou interférences : comment opèrent-elles sur nous ? un son, un espace, un costume, un sol réduit dans sa surface ? en quoi l’obstacle peut-il soulager, libérer de l’espace, et libérer d’une prise en charge ?
A-t-on besoin de l’émotion ? si oui, comment prend-elle forme en nous ? et comment se répétera-t-elle (au sens propre) dans la durée
Peut-on décrire la construction d’un imaginaire ? et d’ailleurs en a-t-on besoin ?
C’est quoi, respirer ?
Tout cela, nous aimerions en parler, sans chercher à théoriser, à dégager des méthodes. Sans se fondre (s’effondrer) dans les aspects psychologiques ou les rapports de pouvoir.
Nous travaillons avec le Théâtre du Radeau et François Tanguy depuis de longues années. Nous n’avons pas étudié dans les écoles de théâtre. Il est évident que ces propositions viennent d’une expérience, qui, entre autres particularités, ne travaille pas sur la temporalité close d’une narration comme préalable, exclut la notion de personnage, de rôle au sens propre. C’est une construction au cours de laquelle les matériaux (acteurs compris) sont mis à l’ouvrage ensemble.
Il ne s’agit pas dans cette conversation que nous proposons, d’attendre des réponses. Bien plutôt, des rebonds d’interrogations, des parts d’ignorances, des lignes poétiques autant que d’humbles et riantes anecdotes.
Qui dit commerce dit …contrebande
En parallèle à cette conversation, nous pourrons tenter, approcher, faire mouvement, faire voix, animer notre communauté provisoire, faire émerger des motifs, des co-présences
Et puis aussi, nous interroger sur ce travail, accompagné-es par une personne qui s’appelle Lise Gaignard qui pourrait nous aider à mesurer des choses en regard du mot « travail » et comment on est regardé par lui
Laurence Chable et Frode Bjørnstadt
ateliers coordonnés par Conchita Paz (Troupe Associée)
participation atelier 3 jours : 90€
Le Théâtre des 13 vents se réserve le droit d’annuler tout atelier dont le nombre de candidatures nécessaire à son bon déroulement ne serait pas atteint.
Informations et inscriptions aux ateliers et stages professionnels : Béatrice Dumoulin, 04 67 99 25 05, beatricedumoulin@13vents.fr